Et enfin, au crépuscule, une masse indistincte se déverse depuis le bosquet de pins nains. Bêêêêêê. Van-van-van. L'énergie change aussitôt, comme si la lave avait envahi la coupelle vide de la vallée. Les moutons reviennent des lacs.
« Bébé Hector deviendra un grand bouc. Mais qu'importe on l'aimera quand même ! »
L'amertume de la mère se dissipait instantanément au contact des animaux. Bébé Hector était trop beau et trop malin pour servir l'humain dans quelque activité pragmatique que ce soit, et j'espérais... J'étais juste emplie d'espoir pour lui.
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« Fouler la surface de la Terre hors du temps impérial et industriel revient à résister au système qui emprisonne les corps et les âmes. Je le sens dans mes os, ici, à l’endroit où les ruines de l’entreprise ottomane, sur lesquelles trônent les ruines du projet communiste, surveillées par les montagnes désertes symbolisant l’absence actuelle de tout projet. »
Kapka et les karakachans … là haut dans la montagne…
Anima, ce chant de la vie, de la terre, ce lien entre les hommes et les animaux indestructible, indissoluble chez certains
Un chant choral pour une seule voix : l’âme du monde.
« Les grands pâtres d’antan nourrissaient et habillaient tout le monde en s’assurant que la montagne demeurait saine, et ce, comme leurs ruminants, sans laisser la moindre empreinte. Pas de monuments, pas de bâtiments, pas de fouilles. Pas même de cimetières. Rien que des animaux. Vaste et vulnérable héritage. Un coffre-fort de banque renfermant l’or de la vie même. »
Je me suis fondue dans cette nature, cette beauté, cette harmonie. Cette vie simple et rude que menait mes ancêtres.
Anima est l’occasion pour les cynophiles de découvrir une race de chiens de berger, magnifiques, eux aussi, les karakachans faits pour les grands espaces.
Un retour aux sources et à de nombreuses races endémiques de la Bulgarie ou des Balkans en voie de disparition (il y en avait cent trente sept il y a cent ans), une quête d’un passé détruit par le communisme, une recherche d’harmonie : hommes, bêtes, nature encore encore bien fragile malgré les efforts de Kámen, Stamen et Marina qui ont initié ce retour, puis Sásho le berger.
Kapka donne vie à la montagne et fait le lien entre le monde d’en haut et sa vie simple qui n’est pas du tout synonyme de facilité et le monde d’en bas avec sa matérialité et les tracas administratifs de l’Europe et ses lois.
Les karakachans c’est le nomadisme, la transhumance, bien des usages et une culture perdue. N’est pas berger qui veut, Sásho et quelques autres ont choisi cette vie
« D’où te vient ce don avec les animaux ? interrogeai-je
Sásho
_ Pas besoin d’un don. Faut juste avoir la fibre. » Au cours de mes recherches, je découvris que les ancêtres de sa mère étaient très probablement des nomades sédentarisés. Du côté de son père, il s’agissait de pâtres déplacés de force. Leurs chemins s’étaient croisés pour donner naissance à Sácho puis le livrer aux vents de la fortune sur les chemins d’antan. Sur la carte intérieure, certains traits sont indélébiles. »
Bien que les karakachans connaissent une certaine harmonie, tout n’est pas rose il y a beaucoup de contraintes à vivre au plus proche de la nature, loin des hommes.
Je n’ai pu m’empêcher de penser à mon village où il y a deux ans un troupeau de mouton s’est installé les voir changer de pâture, entendre les cloches et les bêlements la nuit a fait remonter mes souvenirs de vacances sur le causse Méjean, la beauté des lieux, les nombreux troupeaux, tout un univers dans lequel j’aimais me promener.
C’est pourquoi ce texte écrit par Kapka Kassabova a pris une immense valeur à mes yeux tant par sa beauté que par ce retour aux origines.
Cette histoire serait idyllique sans l’affrontement de deux mondes, on souhaiterait une issue heureuse pour les karakachans. Qui sait ?
Un rappel de la beauté de l’âme du monde sans laquelle nous ne pouvons vivre.
Anima, une pastorale sauvage met fin au cycle Bulgare de Kapka Kassabova, par chance je n’ai pas encore lu Lisière.
Merci aux éditions Marchialy.
# Anima # NetGalleyFrance
À Orelek, les gens des hauts plateaux avaient un rituel pour invoquer la pluie en temps de sécheresse. Ils désignaient une orpheline, lui couvraient la tête de branches de sureau et l'emmenaient de maison en maison, aspergeant tout d'eau sur son passage. Ils récitaient ceci :
Dieu, donne-nous de la pluie !
Pour nous fournir du blé et du seigle,
Pour nourrir les orphelins et les indigents et les métayers,
les métayers et les bergers,
les chevriers et les vachers.
Cet épisode avait été prédit par les voyants karakachans. « Si les Karakachans meurent, tout le monde meurt », disaient-ils. Moutons, chiens, chevaux, ânes et humains. Ce n'est pas une coïncidence si les animaux qu'ils élevaient ont adopté leur nom
Fin 1958, le nombre de moutons de montagne avait chuté à 158 896. Tous les moutons karakachans furent happés dans dans le projet industriel productiviste : toujours plus de viande, de lait, de laine.
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